Encore un rendez-vous chez le neurologue. Stupide histoire. Comme si un crétin avec une machine à découper votre cervelle en tranche pouvait réellement dire ce qu'il se passait là-dedans et pourquoi ça déconnait plein pot. Mais cela faisait partie des règles. Les choses qu'il devait faire pour que la situation ne soit pas trop lourde. Il le faisait pour Nola, surtout. Cela apaisait un peu la jeune femme, lui permettait de se dire que tout n'était peut-être pas perdu. C'était juste reculer pour mieux sauter, selon son propre avis, mais il ne supportait pas l'idée de faire du mal à la blondinette qui lui avait donné l'alliance qu'il portait toujours au doigt. Les rendez-vous hebdomadaires à l'hôpital aidait la jeune femme à supporter la situation, alors c'était pour lui un moindre mal. Et puis, d'une certaine manière, d'une façon tout à fait inconsciente, d'une manière telle qu'il ne l'avouerait jamais, il nourrissait lui aussi le drôle d'espoir que cela puisse un jour changer quelque-chose. Ne pouvait-il donc pas redevenir l'être aimant et aimé qu'il avait été ? Cela avait l'air si merveilleux...
Alors, après avoir poussé un grand soupir, reculé plusieurs fois dans le couloir et avoir même rebroussé chemin entre la pouponnière et les ascenseurs, Cillian arriva enfin dans la salle d'attente de son neurologue. Il ne fut pas surpris d'y trouver une autre patiente, une qui ne lui était d'ailleurs pas inconnue. Abigail Rosenberg. Comme pour lui, sa vie partait en vrille depuis que son cerveau déraillait et comme lui, elle ne nourrissait que peu d'espoir dans la médecine, même moderne, mais continuait de venir, sans doute parce que, comme lui, elle avait ce petit espoir au fond d'elle-même.
Remarquant qu'elle n'avait pas encore noté sa présence, Cillian posa les mains sur ses épaules, la faisant sursauter. Il sourit doucement devant le petit effet qu'il avait réussi à produire et hocha la tête lorsqu'elle le salua. « Comme un mec que son propre cerveau a abandonné dans les ruines d'une ville en pleine guerre », railla-t-il lorsqu'elle lui demanda comment il allait. « Et toi ? »
Ils avaient mis du temps à se parler la première fois, certes, mais depuis, ils n'avaient cessé de parler. Pas forcément des trucs profonds, pas forcément des trucs trop intime, mais ils se parlaient de choses qu'ils ne disaient à personne. Des choses qu'eux seuls comprenaient. La principale raison de leur présence dans cette salle d'attente, par exemple.